Vous avez posé des questions et nous y répondons : Le syndrome de l’imposteur (partie 2)

Temps de lecture : 5 Minutes

Gérer votre propre syndrome de l’imposteur

Par la docteure Kayleigh-Ann Clegg, psychologue clinicienne

Chaque mois, Kii Santé propose à ses clients des webinaires intitulés Demandez à un expert. Lors d’une récente session, la Dre Khush Amaria, clinicienne et vice-présidente des services cliniques – Santé mentale chez Kii Santé, et moi-même avons abordé le syndrome de l’imposteur.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un trouble diagnostiquable, le syndrome de l’imposteur est une expérience bien réelle. Il s’agit d’un mélange de doute de soi et de peur d’être démasqué que beaucoup d’entre nous ont déjà vécu, ou vivront, à un moment donné de leur vie, surtout professionnelle. De nombreuses questions intéressantes ont été posées lors du webinaire, mais nous n’avons pas pu toutes y répondre dans le temps imparti. Je vais donc y répondre dans une série de deux articles.

La première partie de cette série abordait des questions générales sur le syndrome de l’imposteur et sur la manière de soutenir les autres. Dans cette deuxième partie, nous nous concentrerons sur les stratégies pour mieux vivre avec son propre syndrome de l’imposteur.

Comme toujours, veuillez noter qu’il s’agit d’informations générales basées sur mon expérience clinique et sur ma lecture des recherches actuelles. Ces informations ne replacent pas des conseils plus personnalisés et adaptés à votre situation.

Pourriez-vous partager quelques conseils pour surmonter la difficulté à accepter les compliments ?

Oui, bien sûr ! La difficulté à accepter les compliments est un trait caractéristique du syndrome de l’imposteur. Lorsque nous recevons un compliment que nous rejetons intérieurement, c’est souvent parce que nous avons recours à un raisonnement inversé. En profondeur, nous pensons : « Je n’y crois pas parce que ce n’est pas vrai », ou encore : « Ce n’est pas vrai parce que je n’y crois pas. »  Cependant, ce qui se passe réellement s’explique par ce qu’on appelle la théorie de l’autovérification. Cette théorie suggère que nous sommes motivés à vouloir que les autres nous voient tels que nous nous voyons nous-mêmes. Lorsque nous croyons des choses négatives à notre sujet, nous sommes plus enclins à rejeter les rétroactions positives qui contredisent ces croyances, car elles perturbent notre besoin d’avoir une image cohérente de nous-mêmes.

Pour surmonter la difficulté d’intérioriser les compliments et d’interférer avec ce processus, j’ai découvert deux choses qui ont le plus résonné chez les personnes que j’accompagne en thérapie.

Tout d’abord, il faut modifier son comportement face aux compliments. Les croyances que vous avez sur vous-même peuvent être tenaces et difficiles à changer, surtout lorsque vous commencez à travailler dessus. Commencez plutôt par identifier et modifier les comportements concrets que vous adoptez lorsque vous en recevez un. Par exemple, si vous répondez immédiatement au compliment, le rejetez ou le refusez catégoriquement, essayez de faire une pause et de simplement dire « merci ». Si cela vous semble trop inconfortable au début, vous pouvez adoucir votre réponse en disant, par exemple : « Merci, j’ai vraiment apprécié travailler là-dessus ! » Avec le temps et la répétition, ces changements de comportement peuvent se traduire par de réels changements dans la façon dont vous vous percevez et dont vous percevez vos compétences.

Deuxièmement, si vous ne pouvez pas croire entièrement aux compliments que vous recevez, essayez de vous situer quelque part entre le doute et la croyance totale plutôt que de les rejeter complètement. Cela peut sembler étrange, mais c’est vraiment un pas dans la bonne direction. Au lieu de penser « ce n’est pas vrai » ou de vous forcer à penser « c’est vrai » si vous n’y croyez pas, commencez par vous dire : « Eh bien, ce n’est peut-être pas vrai… mais peut-être que ça l’est. » Le simple fait d’admettre la possibilité que le compliment soit vrai peut changer votre perception de vous-même.

Comment surmonter le syndrome de l’imposteur lorsque l’on essuie sans cesse des refus pour des rôles pour lesquels on est qualifié ou compétent ?

Cette situation peut être très difficile à vivre. Le rejet professionnel, en particulier lorsqu’il est répété, est un facteur déclencheur important de ce syndrome, et il peut être très difficile de rester ancré dans son identité et ses capacités lorsque l’on doit y faire face. Voici quelques conseils qui peuvent vous aider :

  • Prenez du recul : rappelez-vous que ces refus ne reflètent pas votre valeur intrinsèque (vous avez bien plus à offrir que vos compétences) et qu’il peut y avoir de nombreuses raisons à un refus professionnel (par exemple, le moment choisi, l’adéquation au poste, la présence de candidats internes, la dynamique interpersonnelle, le nombre important de candidats, la chance).
  • Créez un dossier « confiance »: dressez une liste ou créez un dossier dans lequel vous compilerez des preuves de vos compétences.
  • Consignez-y vos réussites (petites et grandes), vos progrès, votre évolution et les rétroactions positives.
  • Prenez soin de vous : le rejet peut miner la confiance en soi et la motivation. Veillez à prendre particulièrement soin de vous. Traitez-vous comme vous le méritez. Dormez suffisamment, faites de l’exercice, nourrissez votre corps et passez du temps avec vos proches qui vous remontent le moral.
  • Revenez à vos motivations profondes : rappelez-vous ce que vous recherchez et pourquoi cela est important pour vous, tant sur le plan personnel que professionnel, plutôt que de vous laisser envahir par l’anxiété : « Mais que veulent donc ces entreprises ? Comment puis-je devenir comme ça » ?
  • Faites preuve de compassion envers vous-même : rappelez-vous que vous n’êtes pas le seul à subir des rejets répétés et des difficultés professionnelles. De nombreuses personnes hautement compétentes sont confrontées à des rejets professionnels, comme des mises à pied ou des promotions ignorées. Soyez bienveillant envers vous-même et laissez-vous porter par les vagues d’émotions qui vous submergent. Tôt ou tard, vous trouverez ce que vous recherchez.

Comment lutter contre le doute si votre supérieur vous supervise de manière excessive (microgestion) ou est perfectionniste et vous met souvent dans des situations difficiles ?

La situation peut être délicate. Si vous êtes soumis à une supervision excessive, si vous êtes confronté à des normes inatteignables ou si vous êtes constamment critiqué ou dévalorisé, il peut être très difficile de conserver confiance en vous sur le plan professionnel. Pour faire face à cette situation, trois choses me viennent à l’esprit :

  1. Créez une distance émotionnelle. N’oubliez pas que les comportements professionnels extrêmes, tels que la microgestion ou les critiques sévères, sont le plus souvent liés à la personne qui les adopte, à sa situation et à sa psychologie, et non à vous. Des chercheurs suggèrent par exemple que les personnes très perfectionnistes, souvent profondément perturbées par leur propre perfectionnisme, ont tendance à appliquer les mêmes normes irréalistes aux autres. Évitez donc d’interpréter leur comportement comme le reflet de vos propres lacunes personnelles ou professionnelles.
  2. Tirez des apprentissages de cette expérience. Par exemple, leur approche peut être complètement erronée, mais y a-t-il quelque chose d’utile dans leurs demandes, comme des compétences à développer ou des processus à intégrer ? À défaut, considérez cette expérience comme une étude de cas sur ce qu’il ne faut pas faire lorsque vous occupez ce type de poste.
  3. Communiquez et défendez vos intérêts. Vous n’avez pas à accepter le comportement négatif des autres. Lorsque vous vous sentez en sécurité, discutez avec eux et fixez des limites au sujet de leur comportement, ainsi que de vos besoins pour établir une relation de travail et un environnement plus constructifs et productifs. S’ils ne sont pas ouverts à cette idée ou si la situation est intenable, documentez leur comportement et contactez votre service des ressources humaines pour obtenir des conseils.

Si vous recherchez l’approbation de quelqu’un, comment éviter de donner l’impression que vous souhaitez simplement être félicité ?

Honnêtement, je ne suis pas certaine qu’il faille absolument éviter cette impression. Après tout, qu’y a-t-il de mal à vouloir des compliments ou des affirmations sincères et venant du cœur ? Il y a évidemment des limites : nous devons être suffisamment centrés sur nous-mêmes pour ne pas avoir besoin de l’approbation des autres tous les jours pour nous sentir bien dans notre peau et avoir confiance en nos compétences. Mais de temps à autre, nous avons tous besoin d’un rappel que nous sommes vus, appréciés et valorisés. Alors, si vous cherchez des affirmations de la part de quelqu’un, demandez-les ! Soyez ouvert, honnête, précis et direct quant à vos besoins. Si vous n’êtes pas à l’aise pour demander ce dont vous avez besoin, souvenez-vous que le malaise lié à la demande est souvent préférable à celui de ne jamais obtenir ce dont vous avez besoin. Si vous craignez d’être refusé, rappelez-vous que le refus peut être une invitation à changer votre façon de demander, à vous adresser à une autre personne ou à trouver en vous-même la validation dont vous avez besoin. Si vous craignez que votre demande manque de sens ou de sincérité, rappelez-vous qu’il n’y a rien de plus significatif et sincère qu’une personne qui vous écoute et se soucie suffisamment de vous pour faire l’effort de vous donner ce que vous avez demandé.

Comment distinguer les doutes légitimes de soi du syndrome de l’imposteur ? À quel moment remettons-nous en question nos limites réelles ?

C’est l’une des questions fondamentales au cœur de ce syndrome : « Est-ce que je pense seulement que je ne sais pas ce que je fais, ou est-ce que je ne sais vraiment pas ce que je fais ? » Faire cette distinction est essentiel pour la suite de votre parcours , que ce soit pour vous appuyer sur vos capacités ou pour identifier des compétences à développer.

Il peut être difficile de déterminer de quel cas il s’agit, mais vous pouvez vous poser quelques questions utiles :

  1. La pensée est-elle spécifique ou générale ? Un doute réaliste est souvent circonstancié et ancré dans une situation précise (par exemple : « J’ai eu du mal à rédiger ce rapport parce que je ne comprends pas bien les indicateurs que nous utilisons »). Les pensées liées au syndrome de l’imposteur, en revanche, sont généralement plus générales, plus axées sur l’identité et impliquent souvent des cibles mouvantes : « Je ne suis pas fait pour ça », « Et si je me trompe et qu’ils se rendent compte que je n’ai pas ma place ici ? », ou encore le doute de vos capacités dans presque tous les domaines ou projets.
  1. Quelles sont les preuves objectives ? Examinez les faits : qu’avez-vous réellement accompli ? Le syndrome de l’imposteur se caractérise par un doute persistant, malgré les réalisations. Prenez le temps de dresser la liste de vos réussites, même si votre perfectionnisme vous incite à les rejeter ou à les minimiser. Concentrez-vous sur leur existence, et non sur le fait qu’elles vous semblent « insuffisantes ».
  1. Quelle est l’intensité de ces émotions ? Les doutes réalistes peuvent être inconfortables, mais ils sont généralement gérables et peuvent même motiver la croissance personnelle. Le syndrome de l’imposteur s’accompagne généralement d’émotions plus lourdes et intenses, comme la honte, la peur et la culpabilité. Si vous souffrez de ce syndrome, vous êtes plus susceptible de vous sentir dépassé et sans direction de manière générale. La motivation qui en découle vise souvent davantage à éviter l’exposition qu’à apprendre ou à se développer.

Est-ce sain de compenser mon sentiment de « ne pas être à la hauteur » en étudiant ou en suivant des cours, sachant que cela prend beaucoup de temps et que cela ajoute souvent une pression momentanée ?

C’est une très bonne question. Cela revient à la question précédente : suivez-vous ces cours parce que vous ne vous sentez pas à la hauteur, parce qu’ils vous intéressent, parce que vous en avez envie ou parce que vous en avez vraiment besoin ? Si c’est la première raison, c’est moins sain et cela risque d’ajouter davantage de pression et de stress pour un résultat limité (comme sur un tapis roulant qui ne mène nulle part).

J’ai remarqué que même sans avoir eu des parents exigeants, le simple fait de grandir dans une famille très performante peut provoquer un syndrome de l’imposteur. Comment sortir de ce cercle vicieux ?

Votre observation est tout à fait juste, et elle est d’ailleurs soutenue par la recherche. Grandir  dans une famille très performante peut en effet susciter de nombreuses comparaisons et donner le sentiment de devoir faire plus pour s’intégrer et être « à la hauteur ». Pour sortir de ce cercle vicieux, je vous suggère ceci :

  • Recentrez-vous sur vos propres forces et sur les qualités que vous appréciez sincèrement chez vous. Redirigez votre attention dès que vous vous surprenez à faire des comparaisons inutiles.
  • Efforcez-vous d’être sincèrement heureux et fier, et de célébrer les réussites de vos proches et les vôtres, quelle que soit leur importance.
  • Cultivez la gratitude pour tout ce que vous appréciez dans votre vie.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, je m’efforcerais d’être très intentionnel et réfléchi dans ma définition du succès, en la formulant de manière à refléter vos valeurs personnelles ainsi que les personnes, les lieux et les choses qui comptent le plus pour vous. Des éléments qui, lorsque vous y repenserez à la fin de votre vie, sont plus susceptibles de vous apporter un sentiment de chaleur et d’épanouissement, qu’ils vous aient valu des éloges, des promotions ou des distinctions à l’époque ou non.

Consultez la première partie de cette série pour obtenir des informations générales sur le syndrome de l’imposteur et pour savoir comment soutenir les autres. Si vous êtes vous-même aux prises avec ce syndrome ou ses conséquences, n’hésitez pas à demander de l’aide. Kii Santé propose une gamme de services de soutien pour vous aider à améliorer votre bien-être et à renforcer votre confiance en vous.

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