Vous avez posé des questions et nous y répondons : Le syndrome de l’imposteur (partie 1)

Temps de lecture : 5 Minutes
Par la docteure Kayleigh-Ann Clegg, psychologue clinicienne
Chaque mois, Kii Santé propose à ses clients des webinaires intitulés Demandez à un expert. Lors d’une récente session, nous avons discuté du syndrome de l’imposteur. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un trouble diagnostiquable, le syndrome de l’imposteur est une expérience bien réelle. Il s’agit d’un mélange de doute de soi et de peur d’être démasqué que beaucoup d’entre nous ont déjà vécu, ou vivront, à un moment donné de leur vie, surtout professionnelle. De nombreuses questions intéressantes ont été posées lors du webinaire, mais nous n’avons pas pu toutes y répondre dans le temps imparti. Je vais donc y répondre dans une série de deux articles.
La première partie de cette série répondra à des questions générales sur ce syndrome et sur la manière de soutenir les autres. La deuxième partie abordera la question de la gestion de votre propre syndrome de l’imposteur.
Comme toujours, veuillez noter qu’il s’agit d’informations générales basées sur mon expérience clinique et sur ma lecture des recherches actuelles. Ces informations ne remplacent pas des conseils plus personnalisés et adaptés à votre situation.
Compte tenu des attentes envers les femmes, sont-elles plus susceptibles de souffrir de ce syndrome ?
Oui ! Les recherches suggèrent effectivement que les femmes y sont plus vulnérables, pour de nombreuses raisons, dont l’évolution des normes et des attentes sociales, ainsi que le manque de représentation. Les personnes issues de groupes historiquement ou actuellement marginalisés, les professionnels ou étudiants de première génération, les personnes neurodiverses et les individus très performants dans des environnements compétitifs sont également plus susceptibles d’en souffrir pour des raisons similaires. Ce qui est particulièrement délicat, c’est que si vous faites partie de l’un de ces groupes, vous risquez d’intérioriser un sentiment d’inappartenance ou d’insuffisance, alors qu’en réalité, ces sentiments sont e reflet de dynamiques systémiques ou sociales, et non d’une réelle faiblesse personnelle.
Le perfectionnisme ou le syndrome de l’imposteur peuvent-ils avoir un impact sur notre fonctionnement ou notre travail ?
Oui, absolument. Le perfectionnisme, qui se caractérise par des exigences extrêmement élevées, souvent irréalistes, envers soi-même, et le syndrome de l’imposteur peuvent tous deux avoir un impact sur le fonctionnement et les performances professionnelles.
Les recherches suggèrent que le perfectionnisme peut avoir des effets différents sur le fonctionnement et les performances professionnelles, en fonction du type de perfectionnisme. Le perfectionnisme lié aux normes personnelles consiste à se fixer des objectifs élevés et à travailler dur pour les atteindre, car ils sont importants et significatifs pour soi. Le perfectionnisme autocritique, lui, consiste également à se fixer des normes élevées, mais il s’accompagne d’une peur intense de l’échec et d’une tendance à être excessivement négatif et dur envers soi-même. À l’inverse, le perfectionnisme autocritique est généralement plus étroitement lié au syndrome de l’imposteur. Il a tendance à avoir des effets plus négatifs sur le fonctionnement et les performances professionnelles (alors que le perfectionnisme lié aux normes personnelles peut, en réalité, améliorer le fonctionnement et les performances). En résumé, se fixer des objectifs élevés n’est pas nécessairement un problème, et peut même être bénéfique, surtout lorsque cela n’est pas motivé par la peur ou par la recherche de l’estime de soi à travers la performance. Ce sont le doute excessif et injustifié envers soi-même ainsi que la façon dont on se traite qui peuvent vraiment constituer un obstacle.
La théorie sociologique et criminologique de l’étiquetage joue-t-elle un rôle dans le syndrome de l’imposteur ?
Cette théorie suggère que lorsque nous sommes régulièrement perçus et traités comme correspondant à une certaine étiquette, nous finissons parfois par nous comporter ainsi, dans une sorte de prophétie autoréalisatrice. Les recherches sont mitigées quant à l’application de cette théorie à la criminalité. En ce qui concerne le syndrome de l’imposteur, les travaux de la psychologue Carol Dweck sur l’état d’esprit offrent un éclairage pertinent.
Cette étude suggère que les enfants qui, entre autres, ont été davantage félicités pour leurs capacités innées (par exemple, « Tu es si intelligent ! Tu as un don naturel ! ») sont plus susceptibles de développer un état d’esprit fixe concernant leur intelligence et leurs capacités (c’est-à-dire que l’on a ces capacités ou que l’on ne les a pas). En revanche, les enfants qui ont été davantage félicités pour leurs efforts (par exemple, « Tu as travaillé très fort pour cela ! Tu as vraiment fait des progrès ! Quelle façon créative et géniale de résoudre ce problème ! ») sont plus susceptibles de développer un état d’esprit de croissance (c’est-à-dire que l’on peut augmenter son intelligence et ses capacités par l’effort, la persévérance et l’apprentissage).
Or, une mentalité fixe vous rend également plus vulnérable au syndrome de l’imposteur. Elle favorise le doute, l’évitement des défis, et la perte de confiance en ses capacités dès que l’on rencontre des obstacles. . Si vous êtes constamment qualifié de « naturellement intelligent », vous risquez de croire que votre valeur dépend de votre capacité à être à la hauteur de cette étiquette, ce qui peut générer une pression immense.
Cela peut aussi renforcer une dynamique d’auto-sabotage les personnes ayant un état d’esprit fixe sont plus susceptibles d’obtenir des résultats médiocres, non pas parce qu’elles sont moins compétentes, mais parce qu’elles peuvent tomber dans des schémas autodestructeurs, comme la procrastination, le surmenage pouvant mener à l’épuisement professionnel, ou encore l’évitement de poser des questions sur un projet ou de demander de l’aide par crainte d’être « démasquées ».
Si vous pensez avoir un état d’esprit plutôt fixe, ne vous découragez pas ! Des recherches suggèrent en fait qu’avec le temps, des efforts et de la persévérance, il est possible de développer davantage une mentalité de croissance et de bénéficier de ses effets positifs.
Comment soutenir une personne susceptible d’être touchée par le syndrome de l’imposteur et le doute de soi ?
Tout d’abord, évitez les compliments excessifs ou non mérité, car cela pourrait rendre les compliments sincères plus difficiles à accepter. Efforcez-vous plutôt de bâtir une relation de confiance en étant honnête, aimable et juste. Lorsque des commentaires négatifs sont justifiés, formulez-les de manière constructive, aimable et concrète. N’hésitez pas à faire des commentaires positifs, à faire des éloges ou à faire des compliments sincères et venant du cœur. Félicitez davantage les efforts, les progrès et la croissance que les résultats.
Deuxièmement, montrez-leur que vous avez confiance en leurs capacités par votre comportement. Demandez-leur leur avis et leur point de vue sur des sujets qu’ils maîtrisent. Impliquez-les dans des projets pertinents. Soutenez-les et encouragez-les à saisir les occasions de progresser s’ils doutent de leurs capacités (mais respectez leurs limites et ne les poussez pas).
Enfin, sachez reconnaître vos propres limites et le rôle que vous pouvez jouer. Vous êtes capable d’être un soutien de taille, aimable, encourageant, transparent et communicatif, et cela vous mènera loin. Cependant, cela ne garantit pas la confiance en soi de quelqu’un. Nous avons tous nos propres défis à relever.
Comment féliciter les jeunes pour leur permettre d’avoir une bonne estime d’eux-mêmes, sans les rendre « dépendants » de la reconnaissance des autres ?
Cette question est très pertinente, et particulièrement importante si vous travaillez avec des jeunes, si vous vous occupez d’eux ou si vous avez des enfants. Tout d’abord, je pense qu’il est pratiquement impossible de se dissocier, ou de dissocier les jeunes, d’une certaine dépendance à la reconnaissance des autres. Nous sommes des êtres sociaux : notre évolution et notre survie reposent en grande partie sur notre capacité à créer des liens et à nous intégrer à un groupe. Le souci de l’image que les autres avaient de nous a contribué à notre survie. Cela dit, il est important et utile de ne pas dépendre excessivement de la reconnaissance des autres pour développer une image stable de soi, qui ne s’effrite pas et ne s’épanouit pas au gré des opinions fluctuantes des autres. Pour cultiver cela chez les jeunes, pensez à des éléments tels que :
- Concentrer les éloges et la reconnaissance sur les efforts, les progrès, l’apprentissage et la croissance ;
- Donner une rétroaction spécifique, constructive et exploitable (c’est-à-dire portant sur des points qu’ils peuvent améliorer ou changer) ;
- Encourager l’indépendance et l’autonomie en posant des questions plutôt qu’en donnant toutes les réponses ;
- Fournir un soutien, et non une aide, lorsqu’ils rencontrent des difficultés (sauf en cas de danger de mort ou de conséquences négatives susceptibles de changer leur vie de manière permanente) ;
- Encourager l’ouverture d’esprit, la curiosité et la prise de recul en explorant le monde et les différents modes de vie.
Restez à l’affût pour la deuxième partie de cette série. Si vous êtes aux prises avec le syndrome de l’imposteur ou ses conséquences, n’hésitez pas à nous contacter. Kii Santé propose une gamme de services qui peuvent vous aider à améliorer votre bien-être et à renforcer votre confiance en vous.
Most Read Articles


